9h30 : rendez-vous à l’hôtel avec Jean Rollin et Lionel Wallman, producteur de nombre de ses films. Lionel Wallamn en impose : vêtu d’un imper noir, il a l’air d’un tueur à gages de la vieille école.
J’assiste aux retrouvailles de deux vieux aventuriers du cinéma se lançant dans un dernier coup. Ils ponctuent souvent leur conversation d’un « si je ne suis pas mort d’ici là ! ». L’ambiance n’est pourtant pas à la morosité, bien au contraire ! Jean Rollin a une très grande envie de tourner.
Il a plu et l’autoroute qui nous mène au premier site est détrempée. Je profite du voyage pour lancer la discussion sur l’évocation d’anecdotes de tournage.
Ayant visionné la veille Lèvres de Sang, je lui demande d’où venaient les chauve-souris présentes dans les cercueils. Il me répond qu’à l’époque à Paris, on vendait des chauves-souris vivantes, des espèces exotiques venant d’Afrique, destinées à finir en pâtés… Argh ! Il précise que les bêtes avaient été adoptées par un des techniciens à la fin du tournage.
Ce dernier les avait gardées pendant des années chez lui dans sa cuisine. Puis, Jean Rollin me révèle qu’un jour il recueillit une petite chauve-souris posée sur le rebord de sa fenêtre.
« Un superbe petit vampire » dit-il. « Nous lui donnions de la viande hachée. Un jour, il est reparti… ». C’est un comble ! Un vampire mal en point venu chercher de l’aide auprès de Jean Rollin ! Il y a des signes qui ne trompent pas…
Nous abordons ensuite le chapitre des actrices. Jean Rollin confie avec humour que pour lui les actrices sont des bêtes! Il évoque la scène finale du film Les Démoniaques.
Le cinéaste avoue que c’est l’unique fois de sa vie où il a frappé une femme. Dans cette séquence, deux femmes attachées sur une épave de bateau voient la marée remonter sur elles. Au moment de tourner, une des deux actrices refusant de jouer, était repartie dans sa chambre d’hôtel. Excédé, Jean Rollin l’avait ramenée par les cheveux ! « Nous l’avons vraiment attachée ! » Le tournage des Démoniaques fut très compliqué. Jean explique que Lionel avait vu les rushs et qu’il avait dit devant toute l’équipe que c’était nul !
« Après, j’ai eu une équipe complètement démotivée pendant une semaine ! »
En discutant avec Lionel Wallman, on se rend compte que les deux complices arrangent parfois les choses à leur avantage. Lionel laisse Jean Rollin raconter sa version des tournages, mais ajoute son grain de sel lorsque son ami est à l’écart. « Il dit que c’est lui qui trouvait toutes ses actrices. Mais pour Brigitte Lahaie, c’est moi qui l’ai convaincu, même s’il dit contraire ! ». Jean Rollin de répondre : « Mouais… Tu crois ? ».
Deux jours riches d’informations sur les tournages de Jean Rollin ! L’aventure se termine au soir à la gare de Limoges, où je raccompagne les deux compères après un peu de shopping en ville. Ils sortent de leurs poches deux improbables paires de lunettes de soleil dans lesquelles apparaît le monstre de Frankenstein en hologramme ! Je prends la photo qui se promène depuis sur Internet. Nous sommes le soir d’Halloween, je suis dans une gare avec Jean Rollin et Lionel Wallamn singeant les blues brothers.
Ce n’est pas du Paul Delvaux, mais je nage en plein surréalisme…