Jean me connaissant s'amusait beaucoup de la situation. Je passais mon temps à essayer de me dissimuler derrière lui à cause des types… mais c'était pire. Jean ne s'était pas démonté, il avait demandé à la maquilleuse de me mettre du rouge à lèvre, horreur. Un phare. D'ailleurs je piquais un phare…
Je n'aspirais qu'à une chose, de me rhabiller au plus vite dans une tenue moins visible et surtout plus chaude, nous étions en novembre et il faisait un froid sibérien. En plus, il y avait Jean-Loup Philippe, qui jouait dans le film aussi. Il en était le coach, le répétiteur. Moi, je ne me sentais pas concernée, et lui disais froidement en le toisant sur mes aiguilles de 10 centimètres, que n'étant pas comédienne, il n'avait qu'à faire répéter les autres qui en seraient somme toutes ravies et qu'en ce qui me concerne, je n'avais certes pas besoin de répéter quoi que ce soit pour faire cinquante mètres de bitume avec un marteau arrache-clou de 110 [clou de 11 centimètres de long] et un flingue… Il est pourtant très gentil, Jean-Loup, mais je n'étais pas contente d'être dans cette situation qui amusait l'équipe entière en plus des yeux égrillards planqués dans tous les coins obscurs de la fête foraine, et Jean-Loup, vrai acteur, m'intimidait beaucoup.
Et Jean qui s’amusait beaucoup de la situation, me laissait exprès dans la galère…
Toute la partie masculine de l’équipe riait, je ne parvenais pas à voir ce qu’il y avait de marrant. Je compris que bien plus tard, l’hilarité générale de l’équipe de tournage. Au restaurant, je ne savais pas comment me mettre. Parce que lorsque l’on est habillée au raz du possible voire de l'impossible avec des hauts talons et que l’on s’assoit… c’est difficile…
Heureusement que j'ai un caractère de cochon, c'est ce qui m'a permis de tenir…
A un autre moment, nous étions logés dans un hôtel, les gars au premier, les filles au second. Je me souviens alors, que ma voisine de chambre, tambourinait dans le mur en me disant de sa voix d’asiatique apeurée que quelqu’un tentait d’entrer dans sa chambre. Je lui répondais alors, qu’elle n’avait qu’à tourner la clé à doubles tours de sa porte et de coincer une chaise sous la poignée et qu’elle dormirait tranquille. Je vois à mon tour, la poignée de ma chambre tourner doucement. J’ouvre la porte tout en ayant pris mon compagnon d'arme dans la main ; mon arrache-clou. C’était un des acteurs qui cherchait sa chambre. Je lui dis les mecs c’est au premier, ici c’est le second…
Il est reparti silencieusement sans demander son reste, son coussin sous le bras…
Jean Rollin, m’avait dit une chose très juste, que sur les tournages, il y a toujours un mouton noir.
Et bien, nous avons souvent eu plus qu’un mouton, c’est le troupeau…