Peu de temps après le tournage du film Killing car, en 1993, Jean a perdu l'usage de ses reins. Je me souviens que c'était moi qui l'avais emmené en consultation à Créteil voir un spécialiste en néphrologie qui était censé lui expliquer ce en quoi consistait réellement une dialyse et ses conséquences. Je me rappelle encore qu'avec Jean nous attendions les explications du médecin qui ne se décidait pas à les lui donner. C'est donc moi qui ais pris l'initiative de le lui expliquer, car Jean, pensait tout naturellement qu'une seule séance suffisait. Il est resté huit ans en dialyse à raison de 4h45 par séance, les mardi, jeudi et samedi soir, dans un centre d'hémodialyse en banlieue parisienne à Aubervilliers.
Je me souviens de la réaction qu'il avait eu en sortant de la première dialyse. Il m'avait dit que plus jamais il ne pourrait y retourner pour se retrouver parmi d'autres dans la même situation que lui plus ou moins en bon état à attendre qu'un greffon compatible veuille bien faire son apparition miraculeuse.
Je lui suggérais donc dans un premier temps l'achat d'un petit ordinateur portable.
Sachant Jean Rollin réfractaire aux nouvelles technologies, je le rassurais de ma présence en lui expliquant toutefois que je lui configurerai son ordinateur et qu'il n'avait pas à s'inquiéter pour cela.
Je disposais déjà d'un ordinateur de bureau, un Macintosh.
Jean était directeur de collection et c'était par mon intermédiaire que transitaient les textes numériques des auteurs que dirigeait Jean Rollin. Simone Rollin possédait un petit ordinateur portable, un PowerBook 145. C'est à la faveur d'un café chez Simone, que j'entrepris dans un premier temps de mettre Jean en face d'un ordinateur.
Première approche.
Etonnant car Serge Rollin son fils, est informaticien.
Nous décidâmes par la suite, de nous rendre chez un revendeur et achetâmes un ordinateur portable, un PowerBook 150.
Je faisais placer de la ram suffisante et bien sûr, les logiciels qui vont bien avec. Jean m'a tout fait avec son ordinateur, même le faire tomber pendant ses dialyses…
Un samedi soir, je reçu un appel ,mais pas à partir du mobile de Jean mais de l'infirmière qui gérait les dialysés pendant son service du soir. Jean ne dormait pas à l'hôpital, il était ensuite ramené à son domicile vers 23 heures. Il est par ailleurs arrivé très souvent, que c'était moi qui allais le rechercher après ces séances de dialyses pour le ramener chez lui.
L'infirmière me téléphone donc en prenant une voix de circonstance. Une frayeur me pris. je me suis dit intérieurement ; ça y est, ils me l'ont tué. Je dis à cette infirmière que je venais de suite.
J'arrive finalement au centre d'hémodialyse d'Aubervilliers situé à 20 minutes en voiture depuis chez moi à Bobigny, et escaladant les escaliers quatre à quatre, j'arrive dans la salle des dialysés et trouve mon Jean tout sourire et qui ne se démonte pas en me disant que son ordinateur ne répond pas, qu'il est bloqué, non sans avoir oublier de me signaler que son Macintosh était tombé depuis la hauteur de son lit.
Fort heureusement, l'ordinateur n'a rien eu de fâcheux ce qui aurait pu arriver. Je débloquais son ordinateur, le remis en marche. C'était les plans galères que Jean me réservait. Il y en a eu d'autres. Ce qu'il n'avait pas encore fait c'était de me transformer ce petit MacBook en hélicoptère ou en cockpit d'avion. C'est comme cela que Jean Rollin a commencé à écrire tous les livres et tous les scénarios qui ont suivis depuis ses séances de dialyse, et cela en quelque sorte sauvé. Car il ne concevait absolument pas de s'ennuyer pendant des heures sans rien faire, ce qui est compréhensible et bien légitime. Il était par ailleurs le seul, à s'occuper intellectuellement de cette façon-là, les autres patients restaient-là sans rien faire ou à regarder des match de foot à la TV…
J'étais toujours là, de toute façon en cas de pépin, et Jean savait qu'il pouvait compter sur moi.